.O.
11/12/2021
Pour des fans de tennis comme Marianne et moi, rater "King Richard" (le titre en VO qui me plaît davantage que sa traduction) était inenvisageable : Venus et Serena ont marqué le tennis et elles ont quasiment le même âge que moi donc j'ai vraiment suivi toute leur carrière avec les succès d'abord de Venus puis l'archi domination de Serena qui a pendant plus de 15 ans écrasés le circuit féminin. Le film raconte l'histoire de ces deux femmes qui ont eu un parcours ultra atypique, leur père ayant "programmé" toute leur carrière... avant leur naissance !

Ah la belle succès story à l'américaine, le père qui n'y connaît rien mais qui s'instruit sur le tennis, fait des choix improbables mais réussis à mener au sommet ses deux filles. L'histoire serait belle si elle n'était pas autant romancé et si elle ne mettait pas, en creux, le doigt sur un vainqueur du loto qui se fou ouvertement de la figure de tous les autres joueurs. Qu'il préfère que ses filles étudient et vivent une jeunesse heureuse plutôt que de se cramer les ailes sur le circuit junior est une chose mais lire quelques articles permet de découvrir d'autres aspects moins reluisants :
- Richard Williams se souvient avoir arraché la tête des poupées de Vénus pour décourager la maternité précoce et interdire à ses filles de sortir ensemble" ;
- La vie dans la banlieue "chaude" est un choix délibéré du père Williams. En effet, les deux championnes sont nées dans le quartier aisé de Long Beach. Bien avant que Richard ne décide d’emmener toute la famille à Compton. L’objectif étant d’endurcir les deux futures championnes à la manière d’un Mohammed Ali. Quand on sait qu'une des soeurs est morte dans une fusillade, on peut se dire que le choix de vie n'a pas été sans conséquence ;
- Certains aspects de la "méthode" étaient quand même un peu contestables ! Entraînement avant et après l’école. Tous les jours et par tous les temps. Sans autorisation de s’asseoir. Avec, en prime, une bande de gamins engagée par le père lui-même pour huer les deux jeunes joueuses. Même si "La Méthode Williams" montre tout de même une scène d’entraînement sous la pluie, qui penche plus vers une partie de rigolade qu’un entraînement de type militaire.

Évidemment on ne va pas faire du fact-checking mais cela permet de voir le personnage incarné par Will Smith autrement qu'un visionnaire au grand cœur. C'est d'ailleurs le problème principal de ce film qui tourne rapidement à l'hagiographie et qui enfonce le clou en fin de séance en utilisant les véritables images tournées par la famille williams pour nous montrer combien le travail de reproduction à été fidèle à l'écran et souligner que si ces quelques images correspondent à la réalité, tout ce qui complète doit l'être aussi.

C'est dommage car il n'est jamais question d'échec, de peur de l'avenir... et j'ai du mal à croire que les gamines n'aient jamais eu la moindre pression, n'ai jamais eu peur de décevoir un père assez fou et se demandent ce qui se serait passé si une blessure était arrivée (ce qui a été le cas pour leur grande sœur qui était elle aussi dans le tennis). Si le film montre le rôle de la femme de Richard, c'est en creux et c'est aussi une des faiblesse du film. Bref, il y a beaucoup de choses qui clochent alors qu'il y avait tout pour me convaincre dans cette histoire.

Au final, King Williams est un film que je classerai aux côtés des biopic sur Bill Gates, de Gaulle ou Elon Musk (ce dernier n'existe pas ? Oh... ça viendra dans quelques années) : raconter l'histoire une foi qu'elle s'est produite est toujours facile, faire croire que la vie est "facile" et que tout peut s'enchaîner comme lorsqu'on gagne au loto est joli pour 2h dans une salle obscure mais quand on revient à la réalité, je ne suis pas certain que ce discours soit très sain. Au moins, le film m'aura permis de comprendre pourquoi Venus aura vite lâché l'affaire coté tennis et se sera plus amusé comme styliste que comme tenniswoman... et je ne crois pas que ce soit simplement parce que sa sœur était trop forte pour elle.
.O.